Et nous sommes revenus seuls

« André a le numéro 25 610, Robert le 25 611. Moi je porterai le numéro 25 612. Maman, le 25 613. Nous devrons le connaître par coeur et en allemand. Fünf und zwanzig tausend sechs hundert zwölf. Sinon, nous risquons les coups de schlague. À 88 ans, je le connais encore par coeur. C’est indélébile. »

Le témoignage d’une enfant, aînée d’une fratrie, qui est revenue des camps.

Et nous sommes revenus seuls
De : Lili Keller-Rosenberg
Chez : Plon (pocket)

Résumé de l’éditeur :
Revenue seule des camps de la mort avec ses deux petits frères, c’est avec ses yeux d’enfant que Lili revit chaque jour les longs mois de survie au coeur de la barbarie nazie.
Quand nous sommes revenus, nous ne pouvions parler à personne de cet enfer, de ces souffrances quotidiennes, de cette vie de bêtes battues que nous avions menée pendant près de deux ans dans une inhumanité indigne et impardonnable. Nous étions traumatisés et nous nous taisions. Et si, par hasard, nous nous risquions à évoquer ce passé si cruel, on ne nous croyait pas, on doutait de nos dires, on pensait que nous rajoutions des souffrances. De n’être pas crus nous vexait terriblement et, pendant longtemps, nous nous sommes tus. Puis j’ai beaucoup réfléchi : afin que la vie ait un sens après ce passé ignominieux, il me fallait témoigner pour révéler à tous, au monde, cette tragédie à nulle autre pareille.

En quelques mots : témoignage, enfance et camps de la mort lente

De quoi ça cause :
Lili nous raconte son histoire. De sa déportation à sa vie de jeune femme. Elle, sa mère et ses petits frères sont passés aux camps de Ravensbrück et Bergen-Belsen. Une déportation de 2 ans, contée en une centaine de pages. Et l’après ? Elle nous le dit aussi, comment c’est passé sa vie après.
Une leçon que nous offre cette dame au coeur gros comme sa force de vivre. Un coeur qui ne parle que d’amour et de respect d’autrui.

Et ce que j’en pense :

Et nous sommes revenus seuls ne peut pas être critiqué, ni même chroniqué. Il s’agit de la vie de quelqu’un, d’une famille, qui a vécu l’enfer des enfers. On ne peut pas dire « c’est mal écrit » ou « la narration n’est pas linéaire » parce que ce n’est pas l’objectif. Lili Keller-Rosenberg témoigne depuis des années auprès d’étudiants, avec ce livre elle peut toucher énormément plus de monde. Son objectif est simple : transmettre, transmettre le plus possible pour éviter les négationnistes et crier au monde son amour de l’autre. Parce que Lili n’est qu’amour, malgré tout.

À l’Appel du matin, certaines manquent. Elles ont succombé à leur souffrances, à la faim, ou ont choisi de se donner la mort, parce qu’elles n’ont pas retrouvé leur enfant le soir, ou parce qu’elles ont fini d’espérer une possible délivrance. »

Contrairement à d’autres témoignage écrit, celui-ci est plus concis. Madame Keller-Rosenberg s’attarde cependant sur des détails souvent omis par d’autres ou simplement survolés. Elle nous montre une réalité à laquelle nous ne sommes pas habitués et nous rappelle des vérités via son petit coeur d’enfant. Un petit coeur d’enfant qui n’aurait pas dû se trouver là, qui n’a pas compris pourquoi elle devait souffrir dans ces lieux. Sa vision d’enfant apporte une nouvelle « version » de l’Histoire qui ne doit pas être oubliée. Parce qu’il y a eu des enfants dans ces camps. Peu sont revenus.

Ce qui m’a bien plus dans ce récit – outre le fait d’avoir l’impression d’honorer Lili Keler-Rosenberg en m’intéressant et en gardant en mémoire ses dires – fut son retour. Je n’avais que très peu entendu de témoignages de la vie après. Je me demandais même somment ils pouvaient avoir un Après ! Et c’est Lili qui m’a raconté la foule, les joies, les wagons à bestiaux (encore) et ces enfances détruites. Bien que cette partie du récit soit très petite ce fut la plus forte pour moi. Ils ont vécu un enfer, mais ne peuvent pas en parler à cause de l’idiotie d’autres. Et s’est complètement rageant de se dire qu’ils ont dû se taire. Leurs corps ont été malade extrêmement longtemps mais les gens ne voulaient pas le voir, les croire ni même les entendre. Peut-être que l’époque était ainsi, ils ne parlaient pas de leurs sentiments, après tout les psychologues n’existaient pas !
Le traumatisme s’ancre dans les cellules.

Autres citations :

« Mais il n’y avait aucun remède à nos déchéances physiques et morales, inéluctable, aucune issue possible. Nos morts étaient programmées, quoi qu’elles fassent et les mères ne pouvaient que s’épuiser.
À l’Appel du matin, certaines manquent. Elles ont succombé à leur souffrances, à la faim, ou ont choisi de se donner la mort, parce qu’elles n’ont pas retrouvé leur enfant le soir, ou parce qu’elles ont fini d’espérer une possible délivrance. »

« Ils nous invitent au jardin pour essayer de nous faire jouer avec leurs enfants, mais nous les regardons, incapables de nous mêler à leurs jeux. Nous en avons perdu l’habitude.
Nous sommes comme trois petits vieux. Nous n’avons le goût à rien. Ils sont pourtant d’une bonté et d’une patience inespérées. Ils s’occupent de nous et nous soignent comme leur propres enfants. Ils sont gentils, mais ce ne sont pas nos parents.
Nous revenons de trop loin. »

« Je suis émus, quand je retourne à Bergen-Belsen, de constater comme la nature reprend ses droits. On y voit des massifs, et devant, un panneau : « Ici, il y a cinq mille morts, là, deux mille, là, sept mille… » C’est très poignant pour moi, Bergen-Belsen, car je sais, j’y étais… »

Publié par Finn Thilliamon

Je suis une larmoyante. Je pleure quand c'est triste, quand c'est beau, émouvant, drôle, mignon, quand c'est fini, quand c'est excitant, devant de belles romances et amitiés devant ce qui a la classe et ce qui coupe le souffle. Et je chante aussi, mal, mais je chante !

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